Prolactine et ocytocine, potentielles cibles pour traiter la migraine (Version pour les professionnels)
Date de publication : 27 septembre 2024Auteur(s) : Szewceyk et al, The Journal of Headache and Pain (2023)24:31
Analyse(s) : Mélissa Zuel 0
Selon une étude du Global Burden of Disease 2019, la migraine est la 2ème cause de handicap dans le monde et la 1ère cause de handicap chez les femmes âgées de 15 à 49 ans, alors qu’elle atteint 2 à 3 fois plus les femmes que les hommes, surtout lorsque celles-ci sont en âge de procréer. En effet chez les femmes, la fréquence et la sévérité des attaques fluctuent avec les changements hormonaux d’œstrogènes, de progestérone voire de testostérone (menstruations, grossesse, allaitement, ménopause), alors que la prévalence de la migraine est similaire dans les 2 sexes en période pré pubertaire. Il existe donc un dimorphisme sexuel, expliqué en partie par les modulations induites par la prolactine (PRL) et l’ocytocine (OT), tout au long de l’axe hormonal, depuis l’hypothalamus puis l’hypophyse jusqu’au récepteurs en périphérie situés au niveau des gonades, en passant par des interactions avec le complexe trigémino cervical et le système trigémino vasculaire. Dans cette revue, les auteurs se sont ainsi intéressés au lien entre les mécanismes physiopathologiques de la migraine et les hormones PRL et OT.
Les récepteurs périphériques aux œstrogènes (OR) et à la progestérone (PR) peuvent moduler la production et les voies métaboliques de certains neurotransmetteurs tels que le CGRP, le 5-HT… Cependant chez l’animal, les résultats sont contradictoires, dû au statut hormonal de l’animal au moment des investigations. Chez la femme, les migraines cataméniales liées au cycle hormonal et à la chute en œstrogène, progestérone et OT laissent supposer un rôle anti migraineux de l’OT. Concernant le rôle de la PRL, les données semblent différentes entre migraine avec aura (MA) et migraine sans aura (MO). Dans la MO, la PRL semble avoir un effet pro nociceptif, corroboré par une baisse de PRL à la ménopause par exemple et la diminution de la MO.
Le rôle de la PRL ne se limite pas à la lactation. Elle joue un rôle dans la douleur qu’elle soit post opératoire, inflammatoire, neuropathique ou oro faciale. Les études pré cliniques montrent des réponses comportementales (suite à l’administration durale de PRL), biologiques (diminution sérique du taux de PRL suite à l’administration d’agonistes dopaminergiques) et histo pathologiques (expression du récepteur de PRL dans les neurones sensitifs du ganglion trigéminal et des fibres innervant la dure mère, co localisation du récepteur de la PRL et du CGRP dans les neurone sensitifs, interactions PRL – systèmes CGRP et sérotoninergiques) présentes chez la femelle uniquement, impliquant la PRL dans la genèse des crises migraineuses avec un dimorphisme sexuel. La PRL augmente l’excitabilité neuronale dans les voies nociceptives, participant à la sensibilisation centrale, notamment au niveau spinal où le récepteur à la PRL est fortement exprimé chez les femelles. Cette hyper excitabilité neuronale semble également être œstrogène dépendante, non présente chez les souris ayant subi une ovariectomie. L’activation des voies de signalisation de la PRL entraîne également une sensibilisation des canaux TRP, sexe dépendant. Beaucoup d’études retrouvent des taux sériques élevés chez les patients migraineux, alors que quelques études retrouvent un taux sérique diminué pendant les crises, notamment chez l’homme. Ces taux sériques se normalisent après prise d’agoniste dopaminergique. La PRL est donc probablement impliquée dans la genèse des crises migraineuses et dans le devenir chronique de la pathologie migraineuse. Concernant les thérapeutiques, les études se contredisent sur le lien entre les taux sériques de PRL et la prise d’anti inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou de paracétamol (PCT). Les taux sériques de PRL sont en revanche diminués par l’utilisation de sumatriptan, mais également de propranolol, de topiramate ou de valproate de sodium. Chez l’homme les études sont insuffisantes pour conclure sur le rôle de la PRL dans la pathologie migraineuse.
L’OT est une hormone produite en périphérie (utérus, placenta, cœur) mais également retrouvée dans le système nerveux central, libérée par les dendrites des neurones hypothalamiques et pouvant diffuser dans plusieurs structures cérébrales. Elle est impliquée dans la lactation, les comportements sociaux, mais a également un rôle analgésique et anti dépresseur. L’OT plasmatique ne traverse pas la barrière hémato encéphalique, et n’influe pas sur les taux retrouvés dans le système nerveux central, impliquant un rôle anti migraineux central mais aussi périphérique. En se fixant sur ses récepteurs (OTR) au niveau des racines dorsales de la moelle épinière et du ganglion trigéminal, elle inhibe l’excitabilité des neurones trigéminaux. Une étude montre que des administrations répétées d’OT intra nasales annihile la sensibilisation centrale. Par ailleurs, les études menées chez des patientes souffrant de migraines cataméniales montrent que les taux d’œstrogènes diminuant en période menstruelle entraînent une diminution des taux d’OT, une diminution de l’affinité de l’OT pour OTR, ayant pour conséquence l’activation des nocicepteurs trigéminaux méningés. En pré clinique, l’application in vitro d’OT sur les neurones trigéminaux diminue la libération de CGRP. L’application d’OT dans la moelle épinière diminue la réponse électrique du complexe trigémino cervical après stimulation de la dure mère. L’augmentation du taux d’OT durant la grossesse implique donc une diminution des crises durant cette période. Par ailleurs, la testostérone diminue les taux d’OT. Concernant la progestérone, les résultats ne sont pas concordants même s’il semble qu’elle n’interfère pas avec la pathologie migraineuse.
En somme, il semble que l’OT ait un rôle analgésique tandis que la PRL aurait un rôle pronociceptif, rôles sexe dépendant et peut-être spécifique à la femme, amenant à une réflexion concernant le développement de thérapeutiques agissant sur ces voies de signalisation.
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